GREMLIN

Groupe de recherche sur
les médiations littéraires et les institutions

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Appel à communications - Journée d’étude du GREMLIN : Trajectoire du texte littéraire : figuration et médiatisation - 6 mars 2020 - Université McGill


Les travaux menés par le GREMLIN (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) ont, depuis 2008, sondé la dimension sociale de la production littéraire dans les œuvres de fiction. Explorant les figurations littéraires et les configurations de la vie littéraire, les travaux issus des recherches du GREMLIN ainsi que la riche base de données portant sur plus d’une centaine de romans francophones ont ouvert la voie à des réflexions nouvelles sur l’interdépendance du littéraire et du social.

Une grande partie des recherches du groupe ont été consacrées aux figurations du personnel qui anime la vie littéraire. Or, comme l’écrivain, le texte se voit aussi représenté, depuis sa projection jusqu’à sa circulation dans le monde. Le texte connaît une trajectoire à part entière, franchissant ses propres étapes. Cette journée d’étude se donne pour objectif de faire un changement de focale : il s’agira moins de penser la figuration du personnel littéraire que la mise en fiction des textes littéraires, en tant qu’ils connaissent différents modes d’existence, différents états, médiatisés dans les œuvres littéraires. Le parcours d’un texte littéraire fictif est, comme celui d’un écrivain fictif, porteur de sens et d’une vision de la littérature en général. La base de données du GREMLIN, dédiée aux figurations dans le roman de la vie littéraire, a accordé une place de choix à ce cheminement du texte : les onglets “œuvres projetées”, “scènes d’écriture”, “œuvres publiées” et “médiatisations” retracent les grandes étapes de la trajectoire du texte littéraire figurée dans les ouvrages. Il s’agit donc d’étudier en contexte romanesque, puis social, les usages, les significations et les valeurs associées aux parcours des textes fictifs.
C’est principalement en tant que signifiant pris dans une matérialité que nous appréhendons la notion de texte. En dehors de toute “théorie du texte” le concevant comme un espace clos, nous nous proposons d’interroger le texte comme objet culturel. Dans ces conditions, notons que ce que nous appelons “texte” n’est ni le premier jet, ni le brouillon, ni le manuscrit, ni les différentes épreuves, ni le bon à tirer, ni le livre : il peut être tout cela à la fois, et plus encore. Le texte à l’état de projet, le texte déclamé sont encore des modes d’existence de celui-ci, ce sont des étapes parmi d’autres de la trajectoire propre à chaque texte. Suivre la vie du texte, c’est ainsi suivre ses pratiques en contexte social : écrit, corrigé, relu, lu à voix haute, déclamé, annoncé dans les journaux et sur les murs, imprimé, édité, réédité, commenté, critiqué, évalué, le texte passe de main en main, de bouche en bouche, d’oreille en oreille et devient, dans son parcours, une réalité littéraire ainsi qu’un objet de discours. Il peut connaître ainsi de très nombreuses formes de publications, c’est-à-dire d’accès à une dimension publique, de mises en circulation dans l’espace public. À travers des institutions, aussi bien matérielles qu’immatérielles, il acquiert une valeur sur le marché des biens culturels. L’“étagère hypothétique1 ” d’Italo Calvino est-elle son seul lieu de consécration ? Dans ces mises en fiction, la publication écrite du texte n’est pas nécessairement l’étape la plus déterminante dans sa trajectoire en littérature. Pensons par exemple aux improvisations ensorceleuses de l’héroïne de Corinne ou l’Italie de Germaine de Staël qui forcent l’admiration de ses pairs.
Ce sont ces figurations du texte au cœur des sociabilités littéraires que nous souhaitons explorer, en ouvrant la réflexion à tous les corpus, sans limitation géographique, chronologique, ni générique. Comment sont représentées les trajectoires du texte dans les textes littéraires ? Quels sont les passages obligés, les topiques du texte figuré ? Les relectures du texte par d’autres écrivains, comme dans le roman Les yeux bleus de Mistassini de Jacques Poulin, où le personnage principal expose les premières lignes du roman de son mentor à la vedette Philippe Rollers, font-elles partie d’un scénario attendu dans la vie du texte ? À l’instar des figures idéal-typiques du personnel littéraire, une typologie des « vies » des textes est-elle possible ? Il va de soi que le premier article de Bel-Ami, portant sur la campagne d’Algérie, écrit avec Madeleine Forestier, ne connaît pas le même parcours que la féérie de Gérard, dont la première a lieu à la fin des Aventures de Mademoiselle Mariette de Champfleury. Y a-t-il par exemple des spécificités dans les modalités d’impression et de diffusion du livre de Cydalise dans Les Philosophes de Palissot ? Si les figurations du texte renseignent sur ses pratiques, elles interrogent encore les discours auctoriaux portés sur l’œuvre : en quoi peut-on penser les représentations du texte comme le reflet des convictions esthétiques de l’auteur ? Un texte longuement élaboré, projeté de longue date, ne signifie pas la même chose qu’un texte spontané, inspiré par un événement, quel qu'il soit. Ces figurations sont encore le lieu d’un discours sur le champ littéraire. L’écrivain, dans un geste réflexif, se représente à travers ces imaginaires, met en scène ce que c’est que faire œuvre et semble en cela légitimer son acte de création. Comment sont représentés les processus de légitimation et d’évaluation, voire de consécration du texte littéraire ?  Quelle forme prend la « montée en objectivité2  » du texte littéraire ? Le mystérieux poème de Cendrars, La Légende de Novgorode, représenté dans ses poèmes et romans, mais qui semble perdu, nourrit le mythe de l’auteur. Réalité ou facétie de Cendrars, quoi qu’il en soit, le texte ainsi figuré par ce jeu d’intertextualité constitue un enjeu promotionnel particulièrement efficace. Comment alors aborder les passerelles entre texte et auteur du point de vue du texte fictif et de ses trajectoires ? Le texte est-il présenté comme toujours soumis aux visées que son auteur lui prête (promotionnelle, affective, etc.) ou au contraire pris dans un procès d’autonomisation ? Telles seront quelques-unes des questions qui pourront être abordées au cours de cette journée d’étude, qui mêlera les échanges et la réflexion collective aux études de cas.

L'appel peut être téléchargé ici.

Les propositions (400-500 mots) devront être accompagnées d’une courte biographie de leur auteur (200 mots) et sont à envoyer avant le 15 janvier 2020 à This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it. et This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it..

Notes

  1. « Pour qui écrit-on un roman ? Pour qui écrit-on un poème ? Pour des gens qui ont lu certains autres romans, certains autres poèmes. On écrit un livre pour qu’il puisse être placé à côté d’autres livres, pour qu’il entre sur une étagère hypothétique et, en y entrant, la modifie en quelque manière, chasse de leur place d’autres volumes ou les fasse rétrograder au second rang, provoque l’avancement au premier rang de certains autres [...] » Italo Calvino, La Machine littérature, Paris, Seuil, 1984.
  2. Voir Nathalie Heinich, Être écrivain. Création et identité, La Découverte, 2000, 372 p.